Pendant que nos vies ressemblent à des sitcoms ennuyeuses, la télé américaine des années 2020 tente de réinventer le genre. C'est ce qu'on s'est dit ces dernières semaines en regardant la coloc d'extravagants vampires de la toujours excellente série What We Do in the Shadows (Canal+), qu'on vous avait recommandée l'an dernier, ou devant la nouvelle création surréaliste et débile de Tim & Eric, Beef House, dont on vous parlera si Adult Swim daigne la diffuser dans nos contrées. La sitcom reste en tout cas un objet d'étude passionnant, même 25 ans après, comme le prouve un article de Libération sur Friends à lire dans notre revue de presse.

De l'humour entre quatre murs, il y en a aussi dans les créations de la plasticienne Clémentine Mélois, qui invente des objets du confinement, ou le compte Instagram - carton du moment de Lison Daniel, invitée ici pour qu'elle nous parle d'un de ses coups de cœur. Quoique, à force de rester cloîtré, la folie peut guetter : peut-être que regarder les spectacles d'impro de Middleditch & Schwartz vous incitera à tenter de vous imaginer, vous aussi, dans un mariage qui vire au cauchemar ou une salle de classe délirante. La folie enfin, c'est peut-être un des ingrédients qui manquent au spectacle de Fary, qu'on a mis à la une de HAHA cette semaine, dans une newsletter augmentée et remasterisée, dont vous nous direz des nouvelles.

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FARY

Hexagone I & II

Fary a-t-il un style ? C'est bizarrement ce que l'on s'est demandé en observant l'humoriste de 28 ans, cheveux tressés, barbe taillée, vêtements savamment coupés, épiloguer pendant deux heures sur sa relation à la religion, aux femmes ou à la France. En réalité, du style il en a, c'est vrai : son aisance sur scène est assez effarante, et il a développé un phrasé saccadé qui n'appartient même plus qu'à lui — d'autres, comme Roman Frayssinet, s'en étant désormais inspirés. Seulement, il lui manque un élément crucial pour qu'on le suive deux heures durant : un point de vue.

Ce deuxième spectacle pour Netflix nous est arrivé en deux parties à un mois d'intervalle (histoire de «créer de l'attente» paraît-il), avec 55 premières minutes esthétisées à outrance, noir et blanc, sa tenue bleue se détachant façon Sin City (l'effet est plutôt de mauvais goût), avant une deuxième partie «relativement» plus sobre. Le tout a été enregistré lors de représentations au prestigieux théâtre des Bouffes-du-Nord à Paris, une scène jusque-là jamais foulée par un stand-uppeur. L'emballage, comme le casting (Ladj Ly, Kader Aoun, Jean-Marc Dumontet), est clinquant, ne manque que les blagues.

Car sur ces deux heures d'un show sophistiqué mais superficiel, on peine à retenir rien qu'une pensée originale, une vanne détonnante, une punchline qui ferait mouche. Quand il ne brasse pas des sujets vus et revus (les Québécois et leur langue cheloue ! Kim Kardashian la «michetonneuse» !), Fary convoque des figures controversées (Zemmour, Dieudonné, Woody Allen) sans rien en faire, entre observations sans chute et sketchs expédiés. Surtout, tout au long du spectacle, on a l'impression que le stand-uppeur veut se tenir bien loin de tout ridicule : plutôt problématique pour un humoriste. Dommage, car on voit aussi dans Hexagone, à quelques rares moments — un début de récit familial immédiatement désamorcé par des «J'rigole !», une histoire de presque agression nocturne à la chute un peu ratée — un bon élève du stand-up tenter de produire un spectacle ambitieux.

Sitcom. Le confinement est l'occasion rêvée pour se réfugier dans des sitcoms-doudou, comme Friends. Mais vingt-cinq ans après, n'y a-t-il pas un décalage ? Libération fait le bilan de ses impressions, entre détails technologiques obsolètes (le répondeur téléphonique) et une Phœbe qui passerait de has-been de l'époque à personnalité la plus woke de la bande aujourd'hui.

Années 2000. Dans leur numéro de la semaine dernière, les Inrocks ont publié une liste des 40 meilleures comédies américaines des deux dernières décennies, l’âge d’or de la «comédie régressive» de Will Ferrell, Judd Apatow et leurs acolytes.

Matinal. Un jour, un strip comique : l’éditeur de BD Dargaud lance un joli compte Instagram, Mâtin !, comme une référence à la formule de son emblématique magazine Pilote : «Mâtin quel journal !».

Années 30. Emancipation des femmes, résonances entre la Grande Dépression et la crise, élan de liberté puis contournement ingénieux de la censure : les comédies américaines de «l’âge d’or» des années 30 sont toujours d’actualité selon les experts, critiques ciné et historiens réunis par France Inter.

Retour. Cinq ans après la fin des aventures de Leslie Knope et de ses collègues de boulot, Parks and Recreation revient pour un épisode spécial dans une ville de Pawnee en proie au confinement. Une demi-heure de retrouvailles qui seront diffusées sur NBC jeudi soir, et dont les bénéfices seront reversés à l’association caritative Feeding America.

Interview. A l’occasion de la sortie de la saison 2 de sa série After Life, Ricky Gervais a livré une interview au New York Times. L’humoriste britannique raconte notamment sa position, difficile, de présentateur irrévérencieux des Golden Globes : «C’est comme si j’étais un bouffon à la cour, mais un bouffon doit s’assurer qu’il ne se fera pas exécuter lui non plus».

LISON DANIEL

«Je recommande les vidéos Depuis Quand de David Castello-Lopes. L'idée, c'est qu'il se demande depuis quand existent des choses pour lesquelles on ne se serait jamais posé la question, mais en fait, quand on se la pose, on a vraiment envie de savoir : l'aquabike, le surimi, le café gourmand. Il mène une enquête de journaliste — parce que c'est aussi un journaliste sérieux qui a travaillé pour l'émission l'Effet Papillon et le Monde entre autres — et il va là où son enquête le mène. Si c'est au Japon ou au fin fond de l'Ohio, il y va quand même.

Il le fait d'une façon hilarante, en rencontrant des personnages vraiment savoureux qui sont souvent des inventeurs chelous hyper mal à l'aise devant la caméra, et avec un rythme et un montage géniaux. À la fin généralement, non seulement vous avez appris des fun facts que vous pourrez ressortir pour faire l'intéressant aux apéros, mais en plus vous aurez ri comme un petit fou.»

Depuis Quand de David Castello-Lopes, diffusé sur Canal+.

MIDDLEDITCH & SCHWARTZ

«Est-ce qu’il y a quelque chose dans un futur proche que vous trouvez enthousiasmant ou que vous redoutez ?». C’est par cette question et l'échange avec le spectateur qui s’ensuit que le spectacle se construit. Une invitation à un mariage ou le stress des examens donnent l’inspiration à Thomas Middleditch (Silicon Valley) et Ben Schwartz (l’irritant Jean-Ralphio de Parks and Recreation) qui peuvent démarrer leur impro.

La réactivité et la complicité des deux acteurs, saute aux yeux : capables d’incarner une bonne dizaine de personnages, de créer et conclure une intrigue, tout en se tenant à l’histoire rapportée par le spectateur, avec pour seul décor la scène et deux chaises Middleditch et Schwartz s’amusent comme des gosses, se perdent parfois, se marrent mais toujours retombent sur leurs pattes. Un spectacle hilarant d’un genre mal-aimé, le théâtre d'improvisation, quasi-inédit à l’écran. 

A lire aussi : dans un article-fleuve, Vulture retrace les difficultés des deux comédiens et en filigrane, de l'impro, pour se faire une place à la télé.

CLÉMENTINE MÉLOIS

Les objets du confinement

Des cartes postales kitsch depuis le confinement, un pangolin de Pâques, un repas micro-ondable pour une soirée de reconquête amoureuse, un 45 tours de chansons nostalgiques du dehors, des chewing-gums goût chloroquine... La plasticienne et écrivaine Clémentine Mélois est connue pour son art du détournement, notamment de couvertures de livres («Maudit Bic» de Melville ou «Légume des jours» de Boris Viande), regroupées dans son ouvrage Cent titres sorti en 2014. Depuis le début du confinement, cette membre de l'OuLiPo distille chaque jour sur Facebook, Instagram ou Twitter ses nouveaux objets du quotidien, au moins aussi drôles que poétiques.