Trop de budget ? Trop de stars à l’écran ? Space Force, la dernière série-événement de Steve Carell sur Netflix nous a semblé tellement lourdingue qu'on a préféré faire l'impasse sur cet accident industriel dans ce numéro 66 de HAHA. On préfère plutôt vous parler du retour l’Australienne Hannah Gadsby avec son spectacle Douglas, le premier depuis le succès planétaire de Nanette, du «stand-up animé» de Blanche Gardin par Fabcaro, de Guy Bedos, mort la semaine dernière, ou des 20 ans de la Bostella d’Edouard Baer. Enfin c’est Thomas VDB qui livre aujourd’hui ses goûts - pointus ! - en matière de comédie. Bonne lecture !
Des avis, des recommandations ? Ecrivez-nous à l'adresse revuehaha@gmail.com.
|
|
Tout le monde ne parle que de ça
|
|
HANNAH GADSBY
Douglas
Durée : 1h12. Diffusé le 26 mai sur Netflix.
Comment suivre une œuvre qui a créé un tel raz-de-marée qu'elle vous a fait passer de relative inconnue à célébrité instantanée voire porte-drapeau d'un nouveau courant du stand-up ? Mi-réflexion sur l'humour, mi-récit traumatique, Nanette, le premier spectacle d'Hannah Gadsby distribué par Netflix en 2018, devait marquer la fin de carrière de l'Australienne. C'est en tout cas ce qu'elle proclamait à l'époque, arguant que jouer de l'ironie quand on est une minorité (lesbienne dans son cas), revenait à pactiser avec l'ennemi. Deux ans plus tard, elle n'a évidemment pas tenu sa promesse et nous arrive Douglas. L'abcès est crevé d'entrée : «Si vous êtes venus à cause de Nanette, une question : pourquoi ? Si vous attendez plus de traumatisme, je n'en ai plus». Avant d'enchaîner habilement en étalant tout le programme de son spectacle, point par point, de sa partie «comique d'observation», jusqu'à la révélation de son autisme. Meta et astucieuse, la ruse fonctionne si bien qu'on ne verra jamais les coutures.
C'est d'autant plus dommage alors d'enchaîner par un quart d'heure de vannes poussives sur les différences de vocabulaire entre l'Australie et les Etats-Unis puis une histoire faiblarde de rencontre entre propriétaires de chiens. Déconstruction du mouvement anti-vaccin, des golfeurs ou des noms des Tortues ninja, le niveau s'améliore par la suite, Gadsby restant une virtuose de la construction, imbriquant les récits, variant les formes pour ficeler sa pièce comique. Son ton légèrement suffisant, qui peut agacer, apparaît finalement comme une manifestation de la confiance dans le tour qu'elle est en train de nous jouer. Plus qu'honnête successeur de Nanette, ce nouveau spectacle confirme finalement un style original désormais reconnaissable entre tous (récits au long cours, coups de canif sarcastiques au patriarcat, relecture de l'histoire de l'art), et conforte Hannah Gadsby comme une des voix majeures et actuelles du stand-up.
|
|
Les meilleurs articles sur la comédie parus dernièrement
|
|
Police. Dans le climat actuel, comment se positionner quand on interprète un policier (même drôle) dans une série télévisée ? Les créateurs et acteurs de la série Brooklyn 99 ont choisi de faire don de 100 000 dollars au National Bail Fund Network, une organisation liée au mouvement Black Lives Matter qui vient en aide aux manifestants arrêtés lors des rassemblements contre les violences policières.
Blackface. «Je suis vraiment désolé d'avoir pris cette décision incontestablement offensante», s’est excusé l’animateur Jimmy Fallon après que soit ressorti un sketch vieux de 20 ans le montrant grimé en noir imitant Chris Rock dans le Saturday Night Live. Des excuses perçues comme sincères qui ont semble-t-il éteint la polémique alors que le SNL avait réalisé l’année dernière un sketch pertinent sur le sujet du blackface.
Déconfinement. Alors que certaines salles comme le Point Virgule dans le Marais à Paris reprennent peu à peu leur activité, l’ancien animateur Tex pourrait devenir le premier humoriste français à jouer devant des spectateurs en voiture, en configuration «drive-in», prochainement dans le Vaucluse. Aux Etats-Unis, Jim Gaffigan a lui aussi prévu de se produire sur des parkings.
Classement. Qui est le meilleur personnage comique de la télé britannique ? C'est Alan Partridge, selon un vote révélé récemment dans une émission de la chaîne Gold. Le présentateur télé un peu plouc interprété par Steve Coogan, qui aura droit prochainement à son podcast, est arrivé en tête d’une liste où l’on retrouve aussi David Brent de The Office ou Fleabag.
Longévité. Renouvelée pour une quinzième saison prévue pour 2021, la sitcom It’s always sunny in Philadelphia devient officiellement la plus longue série comique de l’histoire de la télé américaine, un record jusque là détenu par The Adventures of Ozzie and Harriet, une série des années 1950 et 1960. En septembre dernier, Vulture avait pris le temps de classer les 139 épisodes de la série, du pire au meilleur.
|
|
Notre questionnaire du rire
|
|
THOMAS VDB
Chroniqueur régulier dans l'émission Par Jupiter sur France inter, l'humoriste présentera son nouveau spectacle à la rentrée, alors que le précédent, Bonchienchien, est visible en VOD.
|
|
 Ton dernier rire ?
Cheer Up, le dernier spectacle de Nick Griffin, un comique américain que j'apprécie énormément. Je ne comprends pas qu'il ne soit pas plus reconnu.
Ton premier rire ?
Les clash Michel Galabru/Louis de Funès dans la série des Gendarmes.
Un rire gras ?
Food : a Love Story, le livre sur les addictions alimentaires de Jim Gaffigan. Génial.
Un rire réconfortant ?
I, Partridge, l'autobiographie d'Alan Partridge, sûrement le truc le plus marrant auquel j'ai jamais été confronté. Hilarant toutes les deux lignes.
Un rire triste ?
La sublime série Enlightened avec Laura Dern.
Une influence du rire ?
Les spectacles de rue de Fred Tousch ou de Stéphane Filloque.
Un rire actuel ?
Les vidéos de confinement de Pierre-Emmanuel Barré.
|
|
Un spectacle à voir en ce moment
|
|
BLANCHE GARDIN
Il faut que je vous parle
Durée : 1h03. Diffusé le 3 juin sur Canal +.
Etrange projet que ce «premier stand-up animé» (c'est ainsi que le vend Canal +), une mise en dessins d'un spectacle de 2015 de Blanche Gardin par le dessinateur Fabcaro. Jamais filmé, il ne subistait qu'une captation audio d'Il faut que je vous parle, qui amorçait alors le retour au premier plan de l'humoriste du Jamel Comedy Club. Si l'animation reste extrêmement sobre, se limitant à quelques plans d'illustration de la très statique comédienne, l'alliance entre les deux artistes fonctionne bien, dès la première vanne borderline sur la famine en Afrique, contrebalancée par le trait stoïque de l'auteur montpelliérain. On abandonnera cependant rapidement le dessin hyper répétitif pour se concentrer sur les saillies malaisantes de Blanche Gardin, à propos de la masturbation, d'un ami zoophile ou de la mort de sa grand-mère, qui préfigurent les triomphes de Je parle toute seule et Bonne nuit Blanche.
|
|
L'humour, c'est surtout visuel
|
|
|
|
GUY BEDOS
Les meilleurs sketchs, INA
Mort le 28 mai dernier à 85 ans, Guy Bedos fut un importateur inconscient du stand-up en France : dès 1975, il initie une sorte de récit de soi sur scène, à la première personne, à travers ses revues de presse politiques. Plus tard, le sketch Propos obscènes concentrera tout son programme comique, consistant à joyeusement dénoncer, souvent par la vulgarité, l'hypocrisie bourgeoise. Il y rend un hommage direct au pionnier du stand-up Lenny Bruce à qui certains l'ont comparé et dont il se découvrira filleul caché : «Il faisait dans le genre malpoli lui aussi. Bien pire. Moi, à côté je suis aussi subversif que Poivre d'Arvor !» Si ce sketch en est malheureusement absent, ce best-of de l'INA retrace le Bedos des années 1960 à 1980, notamment ses débuts en duo avec l'excellente Sophie Daumier.
|
|
Une comédie dans l'air du temps
|
|
LA BOSTELLA
Durée : 1h35. Réalisé par Edouard Baer. 2000.
|
|
 On fête ce dimanche l'anniversaire de la Bostella, première réalisation d'Edouard Baer, sortie il y a pile 20 ans. Dans ce faux making-of tourné au caméscope, le comédien réunit sa troupe d'habitués (Jean-Michel Lahmi, Gilles Gaston-Dreyfus...) dans une villa provençale pour préparer une émission de télé, prévue pour la rentrée. Comédie improvisée sur l'improvisation, ses moments de grâce et son épuisement, la Bostella a tout le charme des comédies des années 1970, mêlée à l'humour foireux du Centre de visionnage. Au centre, Baer, en chef de bande angoissé par la page blanche, s'est taillé son meilleur rôle.
|
|
Le meilleur de l'humour en baladodiffusion
|
|
WE LOVE SERIES
Space Force et The Shield avec Monsieur Poulpe.
Trop ambitieuse ? Mal située entre comédie et politique ? Analyse pertinente du gâchis de Space Force par Charline Roux et ses chroniqueurs, déçus par cette dernière création Netflix au casting pourtant impeccable.
Sorti le 2 juin. Durée : 31 mn.
LE TRIBUNAL DES FLAGRANTS DELIRES
Guy Bedos.
France Inter a ressorti un épisode du Tribunal des Flagrants Délires de 1980 présidé par Pierre Desproges dans lequel Guy Bedos, venu faire la promotion d’un livre, se défend de son humour corrosif : «Normalement, quand on dit vraiment des choses qui peuvent être désagréables, on fait UNE émission. A partir du moment où on revient deux fois, c'est inquiétant».
Sorti le 29 mai. Durée : 57 mn.
THE LAST LAUGH
Ricky Gervais.
Pendant le confinement, l'humoriste anglais écrit la troisième saison de sa série Netflix After Life, en se demandant comment faire : c'est la première fois qu'il doit écrire une saison 3 dans sa carrière.
Sorti le 3 juin. Durée : 48 minutes. Podcast en anglais.
|
|
ET POUR FINIR...
Le 5 juin, c'est le jour du rakugo au Japon, un divertissement oral datant du 17e Siècle et qui s'apparente à du stand-up assis : à genoux sur scène, un conteur en kimono raconte une longue histoire comique avec plusieurs personnages. Une sorte de sitcom où tous les personnages seraient joués par un seul comédien comme l'explique le webzine DozoDomo.
|
|
|
|
|
